L’indivision successorale

L’indivision successorale

Succession: déroulement d’un héritage en indivision

Vous héritez d’un proche mais vous n’en êtes pas l’unique bénéficiaire ?

Vous vous trouvez dans ce qu’on appelle une indivision successorale dans laquelle le partage de propriété nécessite une certaine vigilance.

Après le décès et avant le partage de la succession, les héritiers (enfants et conjoint du défunt) se retrouvent dans une situation d’indivision, c’est-à-dire que les biens de la succession appartiennent à l’ensemble des héritiers. 

Art. 815 civ. : L’indivision est caractérisée par la coexistence de plusieurs personnes ayant des droits identiques sur les mêmes biens et donc un intérêt commun.

La part de chaque indivisaire est identifiée sous forme de quote-part. Avec la réforme des successions du 23 juin 2006, il est apparu nécessaire de simplifier les opérations de l’indivision successorale, tout en les rendant plus sûres. Des règles encadrent ainsi la gestion du patrimoine détenu en commun. L’indivision prend fin au moment du partage.

La matière est compliquée et le contentieux est abondant. Le régime de l’indivision successorale a pour objet sa composition, sa gestion et les droits de l’indivisaire

L’indivision : un régime à caractère précaire et contraignant

Le droit indivis peut être une pleine propriété, un usufruit ou encore une nue-propriété. Le bien sur lequel porte l’indivision peut être un bien particulier. L’indivision est une sorte de copropriété ou de cotitularité de droits. À la différence d’une société à laquelle sa gestion peut être assimilée, elle n’a pas la personnalité juridique. 

Dans l’indivision successorale, on a une pluralité de droits de même nature à titre universel sur une même masse successorale. Les indivisaires visent ici uniquement les héritiers et les légataires universels, et non les légataires particuliers. En principe, les créances et les dettes successorales sont immédiatement divisées et donc partagées dès l’ouverture de la succession, mais la jurisprudence tend à les faire entrer dans l’indivision.

De plus, l’indivision, même successorale, est une situation précaire et temporaire puisque chaque indivisaire possède un droit de demander le partage. C’est aussi une relation contraignante puisque les indivisaires ne peuvent y exercer la plénitude de leurs droits. 

 

La composition de l’indivision : la masse indivise

Sans avoir la personnalité morale, la masse indivise a une autonomie qui se révèle surtout à l’égard du passif, mais aussi de l’actif. 

À l’égard de l’actif

Contrairement à la communauté conjugale, il n’existe pas d’acquêts dans l’indivision. Ainsi, les acquisitions réalisées pendant la durée de l’indivision par un indivisaire profitent à leur auteur et non à l’indivision. 

 

Ainsi, l’actif est composé de :

  • Tous les biens indivis présents au jour de l’ouverture de l’indivision. Il peut s’agir de biens meubles ou immeubles en pleine propriété ou démembrés. Les biens acquis par les différents indivisaires postérieurement à l’ouverture de l’indivision ne viennent pas compléter la masse indivise ;
  • Tous les biens subrogés à des biens indivis au cours de l’indivision (Cass., ch. réunie, 5 déc. 1907) ;
  • Les fruits et les revenus produits par les biens indivis ; mais aucune recherche de fruits ou produits ne peut se faire au-delà de 5 ans ;
  • Les plus-values procurées au bien indivis ;
  • L’indemnité due par l’indivisaire responsable, par sa faute ou par son fait, des dégradations ou des pertes subies par son bien.

La masse appartenant à l’indivision n’est toutefois pas figée, du fait de la subrogation réelle. Lorsque des biens indivis sortent de la masse indivise et sont remplacés par des biens nouveaux, la subrogation réelle joue immédiatement, largement et de plein droit, afin que soit assurée l’égalité du partage. Ce qui signifie que le bien nouveau sera soumis aux mêmes règles que le bien qu’il remplace. 

 

Exemple : Tombe dans l’indivision, l’indemnité d’assurance, qui se substitue à l’immeuble indivis détruit ou dégradé. Il en est de même lorsque l’aliénation a été voulue par tous les indivisaires. 

La créance du prix d’un immeuble vendu remplace cet immeuble dans la masse successorale et devient un effet de succession. 

Les biens acquis en remploi ou en emploi de deniers ou des biens indivis sont aussi subrogés à ces biens. 

 

Tous les fruits des biens indivis font partie de l’indivision qu’ils accroissent (« fructus augent hereditatem »). Ils échappent donc à l’effet déclaratif du partage (sauf s’il a eu un partage provisionnel). 

Concernant les exploitations industrielles, commerciales, artisanales ou agricoles, tous les bénéfices nets de l’exploitation indivise accroissent la masse indivise, sans qu’il y ait lieu à ventiler ceux qui sont imputables au travail de l’exploitant indivisaire et ceux qui rémunèrent le capital indivis (art. 815-12).

À l’égard du passif 

Lorsque s’ouvre une indivision, spécialement successorale, subsiste souvent un passif dont les biens indivis répondaient antérieurement.

Le passif de l’indivision se compose ainsi : 

  • Des dettes antérieures à l’apparition de l’indivision
  • Et des frais de conservation ou de gestion des biens indivis 

Ce passif doit être distingué des dettes personnelles des indivisaires, la situation des créanciers de l’indivision et celle des créanciers des indivisaires étant différentes. Répond de ces dettes personnelles l’ensemble du patrimoine de l’indivisaire, et donc de ses droits indivis (C. civ. art. 2284). 

Les créanciers personnels d’un indivisaire, c’est-à-dire ceux dont le droit est né après l’ouverture de la succession et n’est pas lié à la conservation ou à la gestion d’un bien indivis, ont une situation inférieure à celle des créanciers du défunt ou de l’indivision. 

 

Ce qui emporte 2 conséquences : 

  • Les créanciers personnels de l’indivisaire ne peuvent pas saisir un bien indivis (art. 815-17, al. 2), mais peuvent toutefois prendre des sûretés sur lui, par exemple une hypothèque dont l’efficacité dépendra du partage. 
  • La seule façon qu’ils ont de réaliser leur droit est de provoquer le partage (Civ. art. 815-17, al. 3) ; il faut toutefois que leur créance soit certaine, que le recouvrement de cette créance soit en péril, et que le partage puisse avoir lieu. 

Le partage est impossible si une convention d’indivision à durée déterminée a été conclue entre les indivisaires.   

L’indivision successorale dispose d’une certaine autonomie patrimoniale qui permet à 3 sortes de créanciers d’agir sur les biens indivis et d’être payés avant les autres par prélèvements sur l’actif avant le partage (art. 815-17, al. 1) :

  1. Les créanciers du défunt : les créanciers antérieurs à la naissance de l’indivision 
  2. Les créanciers dont la créance est née « de la conservation ou de la gestion des biens indivis »
  3. Et les créanciers ayant pour débiteurs solidaires l’ensemble des indivisaires

Une exception : Le passif hypothécaire. Un immeuble indivis grevé d’une hypothèque constituée avant la naissance de l’indivision ou avec l’accord de tous les indivisaires peut être saisi par le créancier hypothécaire, même s’il n’est créancier individuel que d’un seul ; c’est l’avantage du droit hypothécaire. 

La gestion de l’indivision  

La convention d’indivision 

Les héritiers indivisaires ont la possibilité d’établir d’un commun accord une convention pour fixer les règles de fonctionnement de l’indivision. La convention d’indivision doit toutefois respecter plusieurs conditions telles que :

 

  • Lister les biens de l’indivision, 
  • Être établie par écrit,
  • Et préciser les droits de chaque indivisaire. 

 

Dans la pratique, cette convention est effectuée devant un notaire ou même devant un avocat, et peut avoir une durée soit déterminée dans la limite de 5 ans renouvelable, soit indéterminée. Pour gérer l’indivision, les héritiers peuvent nommer (à la majorité des 2/3) l’un d’entre eux ou une autre personne. Il peut y avoir plusieurs gérants. 

Le régime légal 

En cas d’absence de convention entre indivisaires, le régime légal s’applique. Depuis la loi de 2006, on trouve une gradation légale des pouvoirs : 

Pour les actes conservatoires : Pouvoir individuel 

Un indivisaire seul peut procéder aux dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis.  

Pour les actes d’administration : Majorité des deux tiers 

Des indivisaires à la majorité deux tiers des parts indivises peuvent louer le bien en indivision.  

Pour les actes de disposition : Unanimité

En cas de vente du bien indivis, tous les indivisaires doivent y consentir.  

Lorsque le refus d’agir d’un indivisaire met en péril l’intérêt commun, un autre indivisaire peut être autorisé par le juge à passer l’acte, qu’il s’agisse d’actes d’administration ou d’actes de disposition. Cela aurait pour effet de rendre opposable l’acte à celui dont le consentement fait défaut. 

Dans un acte de vente, l’autorisation judiciaire n’entraînera pas de partage puisque le prix se substituera au bien vendu dans l’indivision ; c’est ce qu’on appelle aussi la subrogation réelle.  

 

Les droits et obligations des indivisaires

Chaque membre de l’indivision détient : 

  • Un droit de participer aux décisions relatives à la gestion des biens indivis dans le respect des règles de pouvoir établies par la loi. 
  • Un droit de préemption (art. 815-16). Toutefois, quelques exclusions subsistent et font échec à l’exercice de ce doit : 
  • Quand la cession est à titre gratuit 
  • Quand la cession est faite intuitu personae. 
  • Un droit égal, direct et concret sur les biens indivis, avec toutefois des obligations qui en découlent. 
  • Un droit exclusif et abstrait sur sa quote-part (1/2, 1/3, etc…) selon le nombre d’indivisaires, quote-part reflétant la part lui appartenant dans la masse indivise. 

 

Article 815-9 al. 1er : Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination « dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires » et le respect des actes régulièrement passés pour le compte de l’indivision. 

 

Si un indivisaire ne respecte pas les dispositions de l’article précité, le juge des référés peut être saisi par l’un des indivisaires afin d’ordonner : 

  •  la cessation de l’acte abusif
  • la destruction des constructions irrégulières, 
  • ou même des dommages-intérêts.  

 

Art. 815-9 al. 2 : Si un indivisaire bénéficie de la jouissance exclusive et privative d’un bien indivis, il est tenu d’une indemnité d’occupation envers l’indivision, sauf convention contraire ou s’il avait reçu gratuitement la jouissance de la chose indivise.
Les indivisaires peuvent aussi consentir un bail à l’un d’eux.  

L’indivisaire qui effectue des dépenses pour assurer la conservation ou l’amélioration du bien indivis, ou des dégradations commises par lui à l’occasion de sa jouissance privative, sera tenu d’une indemnité (Art. 815-13 al. 2). En sens inverse, il aura droit à une indemnité s’il a amélioré la chose à ses frais.

L’indivisaire peut aussi se faire rembourser des dépenses relatives à la conservation de la chose qu’il a assumées personnellement. Ici, on se calque sur le système de récompense de la liquidation du régime matrimonial : L’indivisaire aura droit à la plus faible des deux sommes entre la dépense faite et le profit subsistant.      

 

Afin d’organiser temporairement l’indivision, le président du tribunal en statuant en la forme ordinaire et non en référés, peut interdire, imposer ou autoriser toute mesure urgente que requiert l’intérêt commun des indivisaires. 

Exemple : le juge peut autoriser un indivisaire à percevoir les fonds indivis en vue de faire face à des besoins urgents. 

Le juge peut encore nommer un séquestre ou un administrateur provisoire pour administrer l’indivision. 

 

Le sort de l’indivision : Partage ou indivision à durée indéterminée ? 

La pluralité de droits sur la masse qu’établit l’indivision reste une situation précaire dont chaque indivisaire peut à tout moment prendre l’initiative de sortir en sollicitant le partage définitif. 

 

Art. 815 : « Nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision »

 

Un report de partage peut toutefois être accordé à la demande d’un autre indivisaire qui saisit le juge afin d’ordonner le maintien dans l’indivision, soit partiel, soit total pour une durée limitée par la loi. Ce report autorisé par le juge ne peut excéder une durée de 2 ans. 

Il est aussi possible pour chaque indivisaire qui en fait la demande, de recevoir sa part de bénéfices nets de l’indivision (Art. 815-11 al. 1). Un partage provisionnel peut être opéré, c’est-à-dire une division provisoire de la jouissance entre les indivisaires. 

Les indivisaires peuvent aussi effectuer une avance en capital à l’un d’entre eux. Il peut s’agir soit d’un partage partiel, soit d’un acompte, soit d’un prêt en argent ou en nature. Une telle avance peut avoir été consentie par le notaire de la succession. 

Le droit français admet la cession des droits indivis ; Un héritier peut céder ses droits qu’il détient sur un bien déterminé, ou céder l’ensemble de ses droits successifs. Si la cession porte sur des droits indivis sur un bien déterminé la difficulté sera que la cession est alors aléatoire car subordonnée à l’effet du partage. 

Les créanciers personnels des indivisaires ne peuvent pas saisir les biens indivis, ils ne peuvent que demander le partage au nom de leur débiteur. 

Le partage parachève l’acquisition de ses droits successoraux par l’héritier.


Source: Lawperationnel – L’indivision successorale